- Il fut un temps où nous autres, génies, vivions en paix. Nous étions de puissantes forces de la nature, nous naissions des arbres et des fleuves, nous vivions au cœur de chaque chose et pouvions prendre nimporte quelle forme qui nous seyait. Nous modifions la vie et la terre pour harmoniser le monde à limage que nous voulions lui donner. Jadis, nous avions cette force, et le monde entier en profitait. Nous nétions déjà pas très nombreux alors, mais notre faible nombre nous permettait de faire des miracles que tu ne pourrais même pas imaginer...
- Pourtant, toutes les bonnes choses semblent toujours devoir avoir une fin. Et notre histoire ne fit pas exception à cette règle.
- Cétait il y a bientôt six siècles. Les génies vivaient en paix avec le monde, et les humains ne connaissaient leur existence que par de ponctuelles apparitions. Cependant, lun de nous, un jeune génie solitaire du nom de Torakiel se rapprocha beaucoup plus que de coutume de la race humaine. Il en côtoya certains membres pendant de nombreuses années et, par cette nature empathique qui est lessence même de notre race, il absorba en lui certains comportements typiquement humains. Parmi eux, lambition, la haine, la vengeance...
- Bientôt, aiguisant ses pouvoirs combatifs comme aucun dentre nous, il décida que sa puissance magique faisait de lui le chef naturel des génies. Il attaqua et réussit à soumettre de nombreux génies solitaires, augmentant la force de son armée année après année. Cependant, bientôt, notre race réussit à prendre le temps de sorganiser avec cohésion. Ils lui opposèrent alors la première résistance de sa vie. Cette guerre des génies dura de nombreuses années et réduisit à létat de ruine son champ de bataille, Lymir, lune des plus belles des rares citées que notre peuple avait érigé. Torakiel fut écrasé. Une grande partie de son armée sétait rapidement retournée contre lui dès quelle en avait eu loccasion. Il survécut cependant, ne devant son salut quà sa lâcheté. On raconte encore aujourdhui que les dépenses colossales de magie déployées lors de cette bataille ont complètement modifiées des centaines de régions aux quatre coins du monde, et où sépanouissait autrefois ici une flore luxuriante sétend aujourdhui un désert à perte de vue.
- Notre peuple mit longtemps à sen remettre. Mais Torakiel avait accumulé trop de haine envers nous pour nous laisser respirer bien longtemps. Et cest dans la race faible et corruptible des humains quil vit bientôt sa revanche. Il se rendit dans le Palais des grands dAshgabad, ville alors naissante, et avec eux, il fit un pacte. Ils lui permettaient daccéder à leur sphère politique et lui fournissaient des hommes pour assouvir sa vengeance, et en échange, il leur offrait des génies comme esclaves. Ils sempressèrent daccepter.
- Le principe était simple. Torakiel, ainsi que plusieurs sorciers humains, partaient en expédition et capturaient un génie. Après cela, ils revenaient au palais, se munissaient dun réceptacle quelconque, et psalmodiaient ensuite pendant des jours entiers de mystérieuses incantations afin denfermer lessence de ce génie dans ce piètre réceptacle.
- Inutile de vous dévoiler que la puissance magique des génies ainsi déchus était pratiquement réduite à néant. Ils pouvaient certes encore changer de forme, manipuler le feu, la glace, leau et lair, faire apparaître des objets et déplacer des pierres plus grosses queux, mais ces quelques tours de passe-passe nétaient absolument rien comparé à la force quasi divine quils avaient connus.
- Cependant, les hommes étant ce quils sont, il ne supportèrent pas bien longtemps quun génie prenne autant de contrôle en leur propre cité, au sein de leur propre peuple. Alors ils tentèrent de lévincer. Nombre de mages se réunirent pour lemprisonner dans une sphère cristalline. Mais celui-ci ne se laissa évidemment pas faire, et une bataille fut livrée. Après tout le mal quil avait causé, Torakiel mourut, emportant encore quelques humains avec lui, pour ne pas partir seul.
- Les humains, aidés des génies quils avaient capturés, continuèrent leur chasse, mais cette fois ci, personne ne pu se rendre compte de la menace à temps. Nos frères disparaissaient, ponctuellement, un par un, et personne ne comprenait, où ne voulait comprendre, pourquoi. Nous voulions trop oublier la guerre pour accepter cette nouvelle réalité. Et quand nous comprîmes enfin, il était trop tard. Beaucoup de génies se mirent à mort après avoir été capturés, ne supportant pas dêtre ainsi soumis et diminués. Mais certains, comme moi, jugions que notre vie avait trop de valeur, que la mort nétait pas une solution. Et nous sommes restés là, parmi les humains, les servant, les aidant, ou les accompagnant simplement au cours de leurs courtes vies.
- Nous avons appris à vous connaître, à vous comprendre. Certains se sont attachés à vous, dautres vous ont haïs. Il y a près dun siècle, les humains ont fêté la capture du dernier génie en liberté encore vivant, ou du moins, tout le laisse à penser. Lespoir de liberté que nous nourrissions tous a finit par séteindre peu à peu. Des génies sont même nés en captivité. Siècle après siècle, certains de nous ont même préféré oublier notre passé, cependant, je reste intimement persuadé quil reste un espoir. Notre monde a certes changé dère, mais nous autres, génies, sommes toujours là.